January 17, 2020

l’avenir 17 janvier 2020

by geoffroy Noel de burlin in Articles de Presse

« La vie m’offre un bonus, j’en profite »

Paralysé des jambes depuis un accident en 2004, le Lasnois Geoffroy Noël de Burlin réalise son rêve en roulant,seul, à l’Africa Eco Race.

Le 25 mars 2004, « Game Over » comme il l’écrit lui même en première ligne de son palmarès, sur son site internet. Ce jour là, Geoffroy Noël de Burlin est à Val Thorens pour faire du snowboard. Sur un saut, il se fracasse la colonne vertébrale et se retrouve paralysé des jambes. En quelques secondes, sa vie de jeune diplômé en éducation physique bascule. Difficile à accepter, forcément. « Il a d’abord fallu que je fasse le deuil de mes jambes », raconte le gaillard, d’Ohain.

Mais, adepte des sports de combat depuis toujours, il ne tarde pas à décider de se battre contre la fatalité. « Je me suis lancé ce défi de ne pas m’apitoyer sur mon sort. Après trois mois, je suis sorti de l’hôpital où j’étais en revalidation alors qu’en général il en faut six. Et dix mois après mon accident, je participais, à Tignes, à une course de quad… sur la

neige. »

Comme pour conjurer le sort. « Quand j’ai annoncé ça à mon médecin il m’a dit : “T’es sérieux ?” Je lui ai juste demandé son accord médical et il a dit OK. »

Depuis, en passionné de sports moteurs, Geoffroy a enchaîné les expériences, mais de moins en moins en quad. « À cause de mes jambes, d’une part, et d’autre part pour ne pas casser mon dos. »

Il s’est donc tourné vers les compétitions internationales de buggy SSV, un engin à mi chemin entre la voiture et le quad. « Cela a été une vraie découverte, comme une seconde jeunesse. Après plusieurs années et courses dans des buggys à deux places, j’ai fait mon premier rallye raid solo au Maroc, en 2019. »

Une révélation pour notre interlocuteur qui a su adapter son handicap à la machine qu’il conduit. « J’ai un accélérateur sous forme de demi lune à gauche du volant et un système similaire de l’autre côté pour le frein. J’appuie dessus et ça actionne les pédales grâce à un bras de levier. Je privilégie des adaptations mécaniques plutôt qu’électroniques, c’est plus facile pour réparer. »

Des précisions que Geoffroy nous donne depuis les déserts d’Afrique de l’Ouest puisqu’il est, actuellement, en pleine Africa Eco Race, ce rallye raid qui arrivera à Dakar, au Sénégal, ce dimanche.

Et auquel il participe seul, jonglant entre son volant et son carnet de route. « Tout petit, j’ai rêvé devant le Dakar d’antan. Il n’existe plus dans cette forme (NDLR : il se déroule, en effet, désormais en Arabie Saoudite cette année) mais cette course, pour moi, c’est l’Afrique. Raison pour laquelle j’ai privilégié l’Africa Eco Race. »

Ce défi, c’est du jamais vu dans la discipline, et une belle leçon de vie donnée par un gars qui prouve qu’il ne faut jamais abandonner ses rêves. « Je suis d’un têtu, c’est peut être pour ça que j’en suis arrivé là. Heureusement que je n’ai pas écouté certaines personnes… Il y a quinze ans, j’ai failli mourir. Là, le destin m’a offert un bonus, alors je me suis dit que je devais en profiter, vivre cette vie là à 2 000 %. » ■

Garder de l’humilité face au désert

Geoffroy Noël de Burlin a fêté ses 40 ans le jour du départ de l’Africa Eco Race, le 7 janvier. Avant cela, il avait ramé pour réunir les plusieurs milliers d’euros lui permettant de participer. « J’ai presque vendu un enfant pour être là », plaisante t il depuis sa tente installée dans un bivouac, au fin fond de la Mauritanie, après une étape. Plus sérieusement, j’ai pu compter sur quelques sponsors – dont Polaris, la marque de mon buggy – et pas mal de soutiens de mes proches. »

Sur place, le Brabançon wallon est accompagné de Gauthier Duwelz, son mécanicien (ici en action sur la photo). « Un mec en or, qui, forcément, m’aide énormément. »

Sur place, Geoffroy découvre une ambiance qu’il ne soupçonnait pas. « L’Africa Eco Race, c’est une famille. Entre concurrents, on s’entraide. Par exemple, un gars m’a aidé à ressouder une pièce. J’en ai tracté un autre qui était en panne au bord de la piste. Mais il faut aussi avoir beaucoup d’humilité face au désert car si la nature décide de nous jouer un tour, tout peut basculer. »

L’homme est bien placé pour le savoir et dans son rétro, pas une once de regret ne se mêle à la poussière. D’autant qu’il a appris à se débrouiller en cas de couac. « Si je crève, je descends sur mes fesses et je répare. Mais je mets dix minutes là où d’autres concurrents en mettront deux… » Ces concurrents qui le voient tel un participant comme un autre. « Au début, il y avait de la compassion quand ils me voyaient arriver en chaise, je crois. Mais après quelques jours de course, ils ont vu que mon niveau de course était bien là. »

Et pour cause, Geoffroy cartonne. Mardi, il a décroché sa première victoire d’étape dans la catégorie SSV puis une autre, mercredi, dans la catégorie auto/camion. « C’est cool. Mais l’objectif, ça reste de

voir Dakar, dimanche. Et je suis prêt à m’arracher un bras pour

y arriver s’il le faut (rires) ! » ■

Texte :Sylvain DOCQUIER

Source : Magazine “L’avenir”